Oui la guerre fait rage en Ukraine.
Nous avions oublié qu'elle pouvait de dérouler ailleurs que (relativement) loin, chez des peuples dont nous préférions qu'ils ne nous ressemblent pas.
Nous avions, en guise d'exorcisme, soigneusement commémoré les victimes des précédentes, honoré la mémoire de leurs combattants, célébré les victoires et conspué les ennemis.
Mais nous n'avons pas fait la chasse aux germes des guerres. Ils ne sont pourtant pas bien loin: ils sont en nous.
Tout ce dont l'humain est capable, nous en sommes encore capables, chacun. C'est de cela dont il aurait fallu de souvenir, plutôt que des camps opposés du passé.
Je ne suis nullement étonnée de cette guerre. Des années de crispation l'annonçaient, celle-ci ou une autre. La barbarie en cours n'est pas nouvelle.
Mais regardons enfin en nous: chaque division entre les individus que nous opérons, chaque séparation est un germe de guerre.
Regardons notre vocabulaire: il n'est constitué que de divisions:
Femmes, hommes, lgbt+etc, blancs, noirs, juifs, chrétiens, musulmans, OM, Juventus, socialistes, italiens, allemands etc, patriotes, jeunes, vieux, castes désignées par le jargon...
L'autre germe de guerre est ce qui est ancré en nous depuis la nuit des temps: l'avidité. C'est elle qui nous pousse à vouloir nous acaparer les ressources de l'autre, quelle qu'en soit l'échelle.
La seule chose qui nous différencie de nos lointains ancêtres de l'âge de pierre est la puissance de nos outils, qui, sous quelque angle qu'on la regarde, reste une puissance de destruction, même lorsqu'elle se veut constructive : voyez ce qu'en dit le giec.
En tant qu'artiste, je n'ai rien de plus à dire à l'occasion de cette guerre que je n'aie toujours exprimé, à savoir que chacun de nous est capable de l'ensemble de ce dont l'espèce humaine est capable, et que la seule issue s'il y en a une est de le voir en soi, d'en prendre l'entière responsabilité et d'arrêter instantanément toute attitude de séparation.
En tant qu'artiste, loin de moi l'idée de m'offusquer brusquement de la barbarie, d'illustrer la mort et la désolation, plus près de nous cette fois.
Non, je vais continuer à exprimer l'ensemble de ce qui est au plus profond de moi, qui est également au plus profond de chacun:
La joie, la colère, l'avidité, l'amour, l'envie, le désir de destruction, la douceur...
En deux mots: la lumière, l'ombre.
Fusain sur papier, 80 x 120 cm, 2013 |