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5.5.19

De la perception des grands formats

Il y a bel et bien quelque chose de particulier dans le grand format, qui je crois tient au fonctionnement de la vision.

Il me semble que même de loin, on peine à percevoir la globalité du format, tant l'œil est attiré par la reconnaissance des détails.
Je pense aux Nymphéas de Monet du musée de l’Orangerie à Paris. Ils sont si grands que, occupant le mur tout entier, c’est comme s’il n’y avait plus de cadre. L’œil peut à loisir baguenauder dans l’espace, cherchant une zone, s’attardant sur un détail, le corps entier se met en mouvement pour parcourir l'espace. Cela me confirme dans l’idée que le grand format rejoint la perception du réel en annulant le cadre, du moins quand il est gigantesque. Entre les deux, l’œil hésite entre la perception des rapports du cadre et du contenu et la perception des détails.

À égale proportion de champ visuel, c'est une évidence mais mathématiquement c'est curieux, on ne perçoit pas du tout un petit format de la même manière qu'un grand. Bien sûr, lorsqu'on s'approche d'un petit format, on découvre tout à coup le grain du papier, le grain du pigment et les zones où il s'est accumulé par le séchage, et de multiples autres détails invisibles d'un peu plus loin. 

Mais la différence n'est pas dans la perception de ces textures fines. 
Lorsqu'on regarde un grand format occupant cette même proportion de champ visuel, le corps est en jeu: debout, dans un espace plus vaste. 
Il me semble que, debout devant un espace fictif, l'œil est amené par le corps à percevoir les rapports de masse, de couleur, de tonalité, ainsi que quantité de détails. 
Il y a bien une reconnaissance globale de ce qu'on voit, mais d'une dimension comme limitée, au-delà de laquelle on perçoit des éléments séparés, indépendants du format déterminé par le support.

Pourquoi cette limite? Notre œil porté par un corps debout dans un espace ouvert serait-il encore celui de l'homme de Neandertal, préoccupé de savoir si ce qu'il voit se chasse, se mange, ou est dangereux et qu'il faut courir?


Aquarelle sur papier, 110 x 144 cm, mai 2019