Grande est la tentation de créer pour la galerie, dans tous les sens du terme. Nous y sommes voués en quelque sorte : comment faire entendre notre parole si ce n'est en la confiant aux mains des professionnels, montreurs d'images, qui braquent la lumière sur nos élans de création ?
Non, créer, c'est d'abord pour moi que j'entends le faire. Tout d'abord un dialogue avec le papier, comme on se parle dans le miroir. Me sentir. Me trouver. Attendre cet instant électrique où tout s'aligne et prend place d'un seul coup. Persévérer, gratter de mes ongles jusqu'au sang: jusqu'à ce que ça vive; ajouter ou retirer des couches sans relâche, me garder du convenu, me battre jusqu'à l'exaspération parfois, salvatrice entre toutes.
Puis, cette parole inscrite dans le papier, aller à la rencontre de l'autre, mu par des vagues semblables aux miennes.